Profond. Poignant. Déchirant.

La force de ces sensations inhumaines n'a d'égal, à mes yeux, que mon désir de braver les conventions, de violer les interdits et de m'extirper aux règles.

Ce soir-là, j'ai quitté l'enfance. Pas dans l'innocence d'une caresse volée, mais dans le choc d'un passage sans retour. J'ai cédé, bien sûr. Je n'ai pas résisté longtemps avant de m'ouvrir, avant de laisser l'autre entrer dans l'espace que je pensais protégé.

Le jeune homme, de quelques années mon aîné, partageait pourtant avec moi cette première. Il s'était laissé convaincre par mon discours habile, par ma logique déformée par le désir. J'avais écumé les forums, les réseaux, les téléphones roses et les promesses d'hommes imaginaires. J'étais plein de mots, de scénarios, de projets. Lui avait la peau, la chair, la peur.

Il m'offrit donc l'occasion de lui rendre la monnaie de sa pièce. Lentement, ce que je continue encore aujourd'hui à appeler un négligeable appendice s'insinua dans son sillon accueillant. Je me sentais fort, pour une fois. Dominant, peut-être. Mais je savais déjà que cette position était factice. Mon corps, lui, se souvenait du refus. Je pensais encore à ce chibre énorme que j'avais, quelques semaines plus tôt, repoussé de mes fesses tendues, trop vite, trop fort.

Je sais aujourd'hui que si j'avais écouté cette peur de la douleur, plus jamais une queue ne m'aurait empalé. Et je n'aurais jamais su jusqu'où mon corps pouvait plier sans se briser.

C'est à cet instant, précis comme une entaille, que j'ai compris : je retournais dans l'arène. Le matador n'était pas celui que je prenais. C'était celui qui me prenait. J'étais le taureau. Prêt à me faire transpercer. Et j'y suis retourné.

Heureux de me voir survivre à chaque acte inattendu. Heureux de sentir que, même à genoux, je restais vivant. Je pliais, oui. Je cédais. Mais je restais.

C'est ce soir-là que j'ai su. Que j'étais né pour le plaisir de ...

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